CHRONIQUES courtes

« Le photographe des disparus » de Caroline Scott

Un vrai coup de coeur pour ce roman historique inspirés de faits réels. Une lecture bouleversante sur les traces de ce photographe « contraint » de photographier les tombes.Une ambiance pesante qui nous décrit l’enfer des tranchées, l’horreur des combats. Puis la fin de la guerre avec ces soldats morts ou disparus, la détresse des familles, le retour des survivants où « quitter la guerre » semblent impossible. Un roman historique touchant, empathique et plein de pudeur.

 

Guillemont, Somme, août 1921

« Il était resté longtemps sur la tombe de Will. Il n’avait pas parlé à son frère, ni à haute voix ni intérieurement. Il ne sentait pas spécialement sa présence. Pourtant, il y avait quelque chose d’étrangement réconfortant à se trouver tout près des os. Le bois de sa croix avait viré au gris argenté, mais elle était bien droite et strictement identique à toutes celles de sa rangée. Une pièce de métal estampillé R.I.P. avait été clouée au-dessus de la bande où figuraient son nom et son matricule, son rang, son régiment, et la date de son décès. 

Le soleil se reflétait sur les plaques de noms. Au-delà des clôtures de barbelés, il voyait les arbres squelettiques. L’idée le frappa soudain qu’il se trouvait dans la zone autrefois interdite entre le bois et le village. L’ennemi avait tiré des balles depuis les hauteurs près de la carrière. Ils avaient reçu l’ordre d’essayer de la traverser en courant, une semaine après la mort de Will. Harry se souvenait du vacarme et de la peur, du grondement de leurs voix et de son propre sang qui battait dans ses veines. Aujourd’hui, c’était parfaitement calme. La camomille, la moutarde des champs et les coquelicots hochaient silencieusement la tête. Le seul bruit était celui des corbeaux dans le champ voisin, ainsi que le son irrégulier de sa propre respiration. »

« ADIKOU » de Raphaëlle Red

« Une quête, un questionnement sur les origines, la confrontation au métissage, au racisme ordinaire ! Sans fioritures, à l’état brute, Raphaelle Red jète les mots sur le papier. La structure du récit bouscule et interroge. Sa recherche identitaire à travers la France, le Togo et les Etats Unis nous transporte dans un road trip entre colère, révolte et lucidité. Un premier roman déroutant. » 

P 36 « Bien sûr qu’elle pensait à lui, en quittant les rues de New York, au garçon qui l’avait tenue pour compagne. Dans le train, au retour de Thanksgiving, la main pâle s’était posée sur sa cuisse et Adikou avait glissé sur le rebord du siège, écarté un peu les jambes, par réflexe. 

  • Tu sais que j’avais jamais été avec une Noire, avant toi ? C’était jamais trop mon truc. 

Il s’était couvert la bouche en exagérant l’air gêné d’un personnage de BD et Adikou avait réalisé qu’il était ivre. A ce moment, tout était un jeu, alors elle avait ri. Ou bien elle avait ri dans l’espoir qu’en ne prenant pas offense, elle se distinguerait des autres Noires dont on pouvait disposer, par tradition historique. Dans les marches de l’escalier, elle l’avait poussé en chahutant. Une fois la porte fermée, elle l’axait poussé pour de vrai. Mais elle avait rencontré sa mère maintenant, alors il avait envahi son vagin, son secret gardé. Quand il a eu fini, elle a craché un poème haineux et un peu de sang par la chatte dans la douche. »

« Même pas mal » de Brice Gautier

« Pourquoi tant de douleurs et de souffrances ? L’auteur nous plonge à travers ce recueil au coeur d’histoires bouleversantes et déchirantes. Entre pudeur, humour, détresse chaque personnage devra apprendre à maitriser et apprivoiser sa propre douleur. Un sublime kaléidoscope d’émotions, de sensations porté par une écriture saisissante et juste ! Quelle pudeur et délicatesse dans la nouvelle « Quand minuit sonne » et « Comme un homme » ! Profondément touchée par ce recueil !! »

 

Quand minuit sonne

« Un vieil homme vient d’entrer dans le bar. Il scrute l’assistance, visiblement à la recherche de quelqu’un de précis. Son visage ne m’est pas inconnu mais je ne parviens pas à l’identifier. Depuis ma place, je peux lire dans son regard un mélange indéchiffrable d’inquiétude, de bienveillance et de lassitude. Machinalement, je jette un coup d’oeil à l’énorme pendule qui occupe un mur entier en face de l’entrée. Minuit. L’heure où les carrosses se transforment en citrouille. »

« L’Alphabet du silence » de Delphine Minoui

« Un cri d’amour, un cri de résistance pour un pays gangréné par la haine ! La Turquie de Recep Tayyip Erdoğan vu de l’intérieur, effrayante et oppressante ! Le désespoir, l’incompréhension, la souffrance puis comme une renaissance le monde clandestin ! Percutant ! »

« J’étais la clef dans la serrure. 

J’ouvrais le cadenas sur mes lèvres. 

J’étais la deuxième bouche cachée de l’écho. 

J’étais la mouette qui cogne au hublot. 

J’étais l’arbre et j’étais le vent. 

Le pont d’entre deux rives. 

L’aiguille qui reprise les secrets. 

J’étais l’enfant que je ne suis plus. 

Le père que je n’ai pas eu. 

J’ai rêvé que j’étais rocher. 

J’avais sa témérité. 

Je me transformais en volcan. 

Sa lave était mon chant. 

J’étais le minaret d’une mosquée. 

Le clocher d’une église. 

Le sommet d’une pyramide. 

J’étais tout et son contraire. 

J’étais la victime et le bourreau. 

Je pardonnais aux criminels. 

J’étais l’ange qui cueille les larmes. 

J’en faisais des colliers. 

J’avais ce don. 

Je remontais le temps. 

J’étais l’horloge sans aiguilles. 

J’étais le soir. 

J’étais le matin. 

J’étais le secret des gardiens. 

J’étais derviche. 

Je dansais dans la vaste nuit. 

Dans le silence, je chorégraphies

Des poèmes sans fin. 

J’étais la source et le désert. 

J’étais le porteur de lumières. 

J’ai rêvé d’un matin sans barreaux. 

J’agrandissais le ciel de mes deux mains. 

J’étais un nuage volant vers le soleil. 

J’ai rêvé qu’on me tirait les cartes. 

On lisait mon avenir dans le marc de café. 

Au fond de la tasse, il y avait ton image. 

J’ai rêvé que je courais vers elle. 

Je voulais l’attraper. 

J’ai plongé un doigt dans la tasse. 

J’ai touché le fond. 

Je me suis réveillé. 

J’étais enfermé. »

« CROSS » de Marc S.MASSE

« Un polar percutant, efficace et sportif ! Une envie de chausser ses baskets et de foncer au coeur de ce  polar intense et rythmé ! J’ai été subjuguée par les descriptions et les précisions sur cette course de l’extrême ! Une immersion totale !Un polar qui allie le sport et une intrigue policière palpitante avec un seul objectif !! Suivre la cadence !! Un coup de coeur !»

« Un sportif ne ment pas. En politique, dans le travail, en économie, il arrive que le médiocre l’emporte ou se maintienne avec des belles phrases ou des stratagèmes. En sport, la sanction de la performance est là, irréfutable. En même temps, elle marque qui nous sommes : des humains confrontés à leurs limites. Vaincre celles de notre corps, c’est dépasser celles de notre condition. Aller plus loin, faire progresser l’humanité sur tous les plans. Car notre esprit est indissociable de notre corps. Nous puisons dans l’effort de quoi consolider sa conscience et conserver sa lucidité en toutes circonstances. Nous sommes mieux armés pour résister aux crises, aux situations difficiles. Le sport, c‘est ce qui relie l’homme à sa volonté, à sa discipline, à sa recherche d’absolu. »

J’ignore si le discours de l’intellectuel, invité d’honneur du jour sur le Grand Cross était sincère. Je l ‘ai écouté d’une oreille attentive, j’espère qu’il a raison. »

« Le commerce des Allongés » d’Alain Mabanckou

« Alain Mabanckou est, sans conteste, un conteur ! Il nous déroule ce conte, animé de personnages étranges ! Ou serait-ce plutôt des esprits, des défunts ? Des féticheurs ? Des jeteurs de sort ? 

Toujours cette envie enjouée de nous faire partager les coutumes du Congo, son pays natal. On y découvre dans ce conte les coutumes funéraires mais aussi la corruption qui semblent une tradition !

Sa verve sublime ce roman surprenant !

Un « joli » coup de coeur ! » 

« Chez les Babembés, le corps mérite une affection particulière car l’âme résidera à l’intérieur tant qu’il ne sera pas complètement transformé en poussière. C’est pour cela qu’on parle au cadavre, qu’on le rassure, qu’on le cajole, qu’on mange près de lui, qu’on le persuade qu’il est le plus extraordinaire des trépassés de la terre, qu’il est si beau que la Mort, dans sa hideur, a honte de le fixer droit dans les yeux et se couvre d’un manteau sombre. »

« Le mystère Caravage » de Peter Dempf

« Une Lecture très agréable de ce roman, avec la découverte au fil des pages des oeuvres de Caravane. Malgré quelques longueurs et une intrigue qui laisse un peu dubitatif, on se laisse facilement embarquer dans cette aventure historique, romanesque et pittoresque. 

Ce livre a le grand mérite de nous inciter à en découvrir beaucoup plus sur Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Le Caravage.

Une belle découverte ! »

« Il émanait de L’Enterrement de sainte Lucie une authenticité renversante, empreinte d’une profonde affliction. Etendue sur le dos, la jeune martyre était prête à rejoindre sa dernière demeure. Une main sur le ventre, l’autre posée négligemment sur le sol, elle ressemblait à la défunte Lena que Michele avait représentée sur La Mort de la Vierge. Sa chair paraissait bouffie, comme si le processus de décomposition était déjà bien engagé. »

« La princesse de Zanzibar » d’Abdelaziz Baraka Sakin

« Un conte caustique et provocateur où l’on imagine un récit  « des milles et une nuit » mais où se cache une Vérité brute et crue. L’auteur y aborde des thèmes dérangeants comme le colonialisme, l’esclavagisme, la condition féminine, la sexualité, … 

Ce roman est d’ailleurs censuré au Soudan, le pays de l’auteur.  Séduite ! »

« Je suis le Sultan.

Je suis le seul et unique propriétaire de cette île.

Je suis le Sultan de toute chose.

La terre, les plantes, les animaux, les mets et ce qui s’y trouve.

Les bateaux, les navires, la pêche et les pêcheurs m’appartiennent.

… Toutes les femmes sont à moi.

Les enfants sont à moi.

Les hommes sont à moi.

Les esclaves sont à moi.

De même les djinns et les anges.

Je vis dans un paradis que j’ai créé de mes propres mains, ici, sur la Terre, et le paradis est à moi. »

« La femme gelée » d’Annie Ernaux

« Intime, authentique et viscéral ! Un regard aiguisé sur la condition féminine et cette envie d’émancipation trop souvent contrariée ! Un roman puissant ! »

« Midi et soir, je suis seule devant les casseroles. Je ne savais pas plus que lui préparer un repas, juste les escalopes panées, la mousse au chocolat, de l’extra, pas du courant. Aucun passé d’aide-culinaire dans les jupes de maman ni l’un ni l’autre. Pourquoi de nous deux suis-je la seule à devoir tâtonner, combien de temps un poulet, est-ce qu’on enlève les pépins des concombres, la seule à me plonger dans un livre de cuisine, à éplucher des carottes, laver la vaisselle en récompense du dîner, pendant qu’il bossera son droit constitutionnel. Au nom de quelle supériorité. »

« Valse Froide » de Pierre Thiry

« Subjuguée par ce recueil de Nouvelles. Fascinée par l’univers si particulier de l’auteur, un enchantement à chaque fois. Mais j’ai surtout envie de m’attarder sur la première Nouvelle « Valse froide », où l’auteur y distille une poésie pure et glaçante, un tourbillon de sentiments. Un poète, un enchanteur qui nous déroule ce drame, si inéluctable, avec finesse, délicatesse mais avec une telle puissance !! » 

« La familia grande » de Camille Kouchner

« Puissant et pudique à la fois ! Une dénonciation déchirante au sein de « La familial grande »,  implacable et d’une grande sobriété ! La haine viscérale de l’inceste, ponctuées aussi, de sublimes déclarations d’Amour !! »

 » Frères et soeurs muselés par des parents inconséquents. Oncle, tante, cousins, enfants et petit-enfants. Tes petits-enfants qui ont eu à subir sans comprendre la violence de ton effacement. Regarde-moi, maman. C’est pour toutes ces victimes que j’écris, celles, si nombreuses, que l’on évoque jamais parce qu’on ne sait pas les regarder. »

« La Route de nuit » de Laird Hunt

« La nuit du 7 août 1930 lynchage de trois jeunes « fleurs de maïs » dans l’Indiana,  l’écrivain LAIRD HUNT nous invite alors à un voyage oppressant au cœur de l’Amérique, une narration déroulante, des dialogues âpres et rugueux, des personnages tourmentés  … Un roman troublant livré à l’état brut ! « 

« – Vous avez déjà vu un chien mort, avec des cordes dans les yeux ?
– Non, jamais.
– Eh ben, moi, j’en ai vu deux.
……………
Jusque là, il y avait des gens partout, mais à présent, ce n’était plus que la nuit. J’avais bien regardé les yeux de ce garçon quand il regardait les miens, et j’avais vu les cordes dont il parlait. Je me demandais si j’avais des cordes dans les yeux à présent, après avoir vu les siennes, ou si on les attrapait seulement en se tenant sous l’arbre. En regardant ce qui pendait au-dessus. En regardant ces gars. »

« Le coup de grâce » de Marguerite Yourcenar

« Une plume magistrale d’une rare intensité ! Un délice littéraire dans toute sa tragédie !

« Mais elle m’avouait tout ; ses mains me touchaient encore avec des petits gestes découragés qui étaient moins des caresses que des tâtonnements d’aveugle, et j’avais chaque matin devant moi une femme au désespoir, parce que l’homme qu’elle aimait n’était pas l’homme avec lequel elle venait de coucher. »

« Underground » de Haruki Murakami

« Un documentaire littéraire ! Une enquête méticuleuse ! La description effrayante d’un fanatisme effroyable durant une période noire du Japon ! »

« Dans les yeux du ciel » de Rachid BENZINE

« Un cri, une rage, une incompréhension ! Un roman puissant, brillant et féministe sous la plume d’un homme ! »

« La plus secrète mémoire des hommes » de Mohamed M’BOUGAR SARR

« Epoustouflant de savoir-faire et d’imagination ! Un Hymne à la Littérature !  »

« Le Grand Meaulnes » d’Alain Fournier

Une révélation tardive !

J’ai eu envie de découvrir ce livre « Le grand Meaulnes » d’Alain Fournier durant mes années collège !! Je devais être en 4 éme ou en 3 ème mais à l’époque  je n’avais pas réussi à finir ce roman … Impossible de comprendre et de rentrer dans l’histoire qui m’échappait. Cette écriture qui me semblait si compliquée !! 

Cet échec m’avait laissé un gout amer et une grande déception. Pourquoi n’avais- je pas réussi à lire et à apprécier ce roman ? 

J’ai toujours gardé en tête ce livre, je savais qu’il y aurait une autre tentative !

Et après 40 ans à « ruminer », je me suis à nouveau lancée avec néanmoins un sentiment étrange ! 

Et là !! Quelle merveille !! Dès les premières pages je me suis sentie happée par l’histoire, cette narration très particulière, cette chronologie des faits surprenante et cette ambiance si mystérieuse. Un roman d’aventure, un drame amoureux, un passage initiatique tourmenté vers un monde d’adulte. 

Je découvrais Un Bonheur Littéraire !! 

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