Un recueil de nouvelles où le fil conducteur est … le train !
Un voyage, un souvenir ?? Mais à chaque fois un moment de vie où tout bascule !
On y découvre des personnages troublés, fragiles et bien ancrés dans leur histoire.
L’auteur creuse et trouve en chacun d’eux cette faille, ce point de non retour, cet instant précis où leur vie déraille !
Une écriture fouillée et juste, où chaque mot a été pesé !
Une belle musicalité et quelle interprétation !!
Des nouvelles percutantes, troublantes avec un rythme soutenu !
Les émotions et les sensations au coeur de chaque histoire, l’auteur prend plaisir à nous « décortiquer » la nature humaine, … son égocentrisme, sa vanité, ses incertitudes, ses remords, ses amours, ses inconséquence, sa peur, son intolérance, sa cruauté, sa résilience, …
Je me suis encore régalée avec ce recueil édité par les Editions Quadratures !! Quel plaisir !
Bravo !!

P 7
« Un grand homme
J’ai rencontré Octave Richet dans le TGV Paris-Toulouse. Octave Richet est romancier, auteur de trois livres à succès, une bête de ventes, un ovni dans le monde de l’édition et de la librairie. » … « Il nous racontait – et le volume de sa voix offrait également son récit à la plupart des voyageurs – qu’il revenait d’une rencontre en médiathèque où il avait reçu un prix, « le septième prix littéraire décerné à Eulalie secrète, mon nouveau roman », et où il avait rencontré des lectrices qui se pâmaient dès qu’elle voyaient son nom sur une couverture. « Alors, me rencontrer en vrai, vous imaginez, il a fallu appeler les pompiers, ahah ! »
Je n’imaginais rien du tout, je trouvais cet illustre paon pénible et lamentable. Speedé comme tout homme de son importance, il serrait dans une main son téléphone portable qu’il consultait, tel le saint Graal, toutes les trois minutes. Ne vivait-il pas du désir que les autres avaient de lui ? Remarqua-t-il le regard que je lui lançais ? »

P 37
« Crains les trains !
Tu me dis toujours que ce n’est pas en cultivant la peur qu’on se libère, que celle-ci s’accueille d’abord, s’apprivoise ensuite, comme le renard du Petit Prince. « J’ai appris cela de mon père, Lorris. Même s’il vit loin aujourd’hui, mon corps se souvient des tornades qu’il éveillait en moi. J’ai arrêté d’avoir peur de lui en choisissant la vie. Et la joie. Et le rire. Toutes choses qu’il ne supportait pas et qui l’ont éloigné de moi. La vie gagne toujours, Lorris, et nos ombres sont là pour nous le rappeler. Pour que nous nous tournions vers la lumière malgré les trous noirs. » Ta réponse me rassurait sans me convaincre et, dans les moments comme celui que nous vivions à cause de cette fichue grève et de ce voyage vers Colmar, je me sentais basculer. »

P 75
« Avec des sourires et de la paix
Est-ce à cause de Christian que tout a commencé, à cause des réflexions dérangeantes dont il peuplait son discours, de ses remarques nauséabondes sur les étrangers, « tous des terroristes, mais pas vous, les gars, les Portugais, vous êtes chrétiens, pas musulmans »? Nous avions l’habitude de ses dérives, elles n’étaient que des mots dissonants qui, s’ils nous offusquaient, ne causaient de tort à personne. Dans le train, certains voyageurs souriaient d’entendre Christian exagérer son rejet de l’autre. Peut-être croyaient-ils qu’il blaguait, qu’il jouait à l’adolescent vivant du besoin de se faire remarquer pour exister aux yeux d’autrui. Peut-être partageaient-ils ses idées et étaient-ils satisfaits qu’un jeune exprimât tout haut ce qu’ils pensaient tout bas. Nous en avions marre de ces attentats terroristes, de cette atmosphère de peur et de suspicion, nous vivions dans un petit pays riche qui nous permettait de nous payer ce que nous aimions et merde pour les autres ! C’était notre réalité commune, égoïste : d’accord de partager entre riches, mais plus difficile de diminuer son niveau de vie pour aider les autres. Nous n’allions pas accueillir toute la misère du monde. « Déjà que nous avons les Portugais, disait Christian en riant, mais vous, c’est normal, vous êtes bons en foot ! »
Editions Quadrature
L’objectif des Editions Quadrature est à la fois modeste et ambitieux : se dédier complètement à la nouvelle de langue française.
Genre : Nouvelles
Publié en 2021
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