CHERBOURG … Charles Daubas

Un roman percutant, dérangeant

Une analyse peu flatteuse de Cherbourg, entre sa base militaire et ses secrets défense, la DCAN et son amiante, la centrale nucléaire de Flamanville … puis cette histoire autour de la démolition du H100, immeuble emblématique sur les hauteurs de Cherbourg !!

Puis enfin ce mystère, cette explosion sur la digue de Querqueville … 

L’auteur tente de nous perdre à travers ce thriller psychologique, cette ambiance pesante et oppressante,  ce malaise palpable …  servi par une écriture brute, épurée, poétique par moment. 

Des personnages forts et pour certains insaisissables !! 

Une enquête « non officielle » qui nous entraine aussi au coeur d’une intrigue … « humaine » !! 

Un premier roman étonnant, un auteur à suivre !! 

« Frédérique se tient immobile sur le petit pont en fer qui marque le début de la digue de Querqueville. Devant elle, à quelques dizaines de mètres, un cordon policier en barre l’unique accès. La jeune femme observe à distance l’éboulement qui entaille la digue, en face du fort Chavagnac, juste là où se trouvait l’îlot des bétons flottés.
Le socle de la digue s’est désintégré dans la mer. La paroi verticale s’est affaissée sur plusieurs dizaines de mètres et le parement de pierres a disparu, laissant le flanc de la digue à nu, comme si on lui avait retiré la peau. On lui voit l’intérieur, une chair faite de pierres rondes liées par une terre jaune poussiéreuse. Un peu plus loin, un pan du fortin qui garde l’entrée ouest s’est aussi écroulé dans la mer. »

« Ce matin, il est parti avant qu’elle ne se réveille. Il a traversé à vélo le bourg d’Urville, puis celui de Querqueville. Il a passé le petit pont de fer et engagé son vélo sur le chemin qui court sur la digue de Querqueville. Il a roulé vite sur le ruban de deux mètres de large, le buste relevé, les mains loin du guidon, goûtant ce moment comme s’il lui avait été offert par la liberté elle-même. »

« Depuis des siècles, les Cherbourgeois ont regardé en spectateurs cet organisme formidable attirer à lui les rêves de puissance et digérer leurs épaves. La rade s’est ouverte à l’ancien et au nouveau monde, aux français, aux Anglais, aux coups de canon des sloops nordistes et confédérés, aux U-Boots allemands et aux convois américains. Elle a souri à tous ceux qui souhaitaient régner sur la mer et englouti au passage ce qu’elle pouvait, sans faire de différence. 
Mais, chaque fois, l’histoire s’en est allée, laissant la rade à son rivage. Les Américains l’abandonnèrent à leur tour, la rendant aux Français au début d’octobre 1945. Et, sous ce nouveau jour, sans les centaines de bateaux qui naviguaient à sa surface, elle apparut soudain incongrue, comme une grande chose inutile dont on ne savait plus quoi faire. 
Alors, dans ce quotidien trop étriqué pour elle, la rade s’assoupit en attendant que son heure revienne. Depuis, elle se berce en écoutant la musique sourde et engourdissante que font ensemble toutes les guerres, les batailles et les rêves de gloire qui en tapissent le fond. »

« Le secret défense […]la ville s’endort avec puis le retrouve au matin, déjà à ses petites affaires. Elle le laisse s’infiltrer partout, dans chaque jointure de son quotidien. Et puis, quand ça déborde un peu trop, quand viennent les bobards officiels, elle laisse dire. Comme la bonne épouse acquiesce aux explications du mari volage. Sans trop y croire. Juste parce que la vérité, c’est parfois trop d’emmerdes. »

Edition Gallimard

Genre : Roman

Publié en 2019

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