« Le plan de vol a changé » … des nouvelles qui résonnent comme … « Changement de programme » !!!
Des voyages hors du temps !
Des histoires au coeur d’aéroport, dans une salle d’embarquement, dans le hall, sur le tarmac … où des vies, des destins se croisent, des rencontres de toute une vie se font ! Certaines avec joie, surprise, d’autres avec nostalgie, tristesse, espérance …
Des récits emprunts d’humanité … des personnages face à leurs destins, à leurs choix, où un événement peut y changer le cours ! Les aléas de toute une vie !
J’ai tout particulièrement apprécié la poésie et l’atmosphère mystérieuse d’ « Un tout petit monde »
Et j’ai eu un vrai coup de coeur pour « Nice 1944 » et « Les yeux d’Alice »
C’est toujours un grand plaisir de découvrir les recueils de Nouvelles des éditions Quadrature !! Une littérature que je découvre au fur et à mesure …
Avec de belles surprises !

L’avion de Bangkok
« – C’est fini.
Non, ce n’est pas possible. Il va arriver, j’en suis sûr, il faut attendre encore.
- Non, regardez, d’autres personnes arrivent !
- Ce n’est plus le même vol … je suis désolé, ce n’est pas encore pour aujourd’hui.
Pas pour aujourd’hui … j’étais pourtant certain que Stéphane serait dans cet avion. Il va revenir un jour, de Bangkok, c’est sûr. Il arrivera par cet avion, et je serai là pour l’accueillir. Il me sourira, il me dira Papa tu vois c’est moi, j’ai mis du temps mais je suis revenu, et je l’embrasserai, j’espère seulement qu’il ne reviendra pas trop tard, et que je ne serai pas déjà mort. Il y a tellement longtemps que je viens ici. »
Nice 1944
« – Paul ?
Sa voix est claire, elle continue à s’approcher de lui. Tom fait mine de s’interposer, mais Mathilde le retient par le bras.
- Paul, tu te souviens de moi ?
- Le vieil homme se retourne vers la voix qui l’appelle. Ses yeux vides se fixent sur le visage levé vers lui, son regard soudain se transforme.
- – Marie … Marie c’est bien toi.
Comment la voit-il maintenant, Mathilde se le demande. Est)ce la vieille dame au chignon blanc, ou la jeune fille brune qui se lovait contre lui quand ils dansaient dans les bals populaires à Nice, au printemps 45 ? (Mathilde transpose ici les images qui lui viennent quand elle pense à Naël, qui a seize ans comme elle et qui est beau comme un aviateur, et à ce qui pourrait se passer si par miracle il finissait par s’intéresser à elle.)
- Je croyais … on m’a dit que tu étais mort, Paul.
… Paul sort un portefeuille de sa veste, et de repli intérieur, une vieille photo en noir et blanc, en partie déchirée. Un tout jeune homme blond et une jeune fille brune, enlacés, regardant, comme on le faisait encore à l’époque. »
Les yeux d’Alice
« – J’ai eu ce malaise tout à l’heure, parce que votre regard … le regard est la seule chose qui ne change pas, vous savez ? On dit qu’il est le reflet de l’âme, c’est exactement cela: il nous suit, existence après existence.
C’est votre regard que j’ai reconnu. Je me suis souvenue de tout, en une seconde. Je suis devenue très proche de certaines vies antérieures, au fil des ans. Peu de choses me suffisent aujourd’hui pour que des pans entiers me reviennent en mémoire. C’est ce qui s’est passé tout à l’heure.
J’attendais la suite, mais elle s’est tu soudain, perdue dans ses pensées. J’ai fini par m’impatienter.
- Et alors ? Où étais-je en aout 44 ?
Elle a souri, visiblement ravie que je réclame la suite.
- Oh, vous étiez ici.
- Ici … à Roissy ?
- Mais non, voyons. A Paris. Dans le dix-septième. Vous habitiez dans une petite rue, près de la place des Ternes. »
Un tout petit monde
« Le chevalier Aklin … voilà bien longtemps que je ne l’ai pas été. J’aurais voulu revoir une dernière fois cette chère maison à laquelle j’appartiens tout entier. A dix heures quinze ce matin. Je suis passé presque à la verticale, et s’il n’y avait pas eu ces satanés nuages, les enfants de la colonie de vacances qui la peuple maintenant, si j’en crois ma petite Maman, auraient pu apercevoir un petit point dans le ciel. Comment auraient)ils pu deviner que celui qui passait tout là-haut a explosé il y a trente ans tous les recoins du parc immense, et a gardé en mémoire chaque fissure des grandes salles et chaque trésor du grenier ? Il a accumulé patiemment tout le bonheur dont il aurait besoin pour sa vie d’homme, et il ne pouvait pas savoir qu’il en manquerait toujours, et qu’il ne connaitrait jamais rien d’aussi merveilleux et doux que ces années-là. »
Genre : Nouvelles
Publié en 2020