Le chasseur de frontière … Tahar Fahloun

1953, …, …, 1961, 1962,  

Une maison, un quartier … deux pays et un jeune garçon « perdu entre deux mondes  » …

Un récit qui monte crescendo au fil des pages où il y est question de l’Algérie, de la France … de ce monde d’adulte fait de tant d’incompréhensions.

Les questionnements de ce jeune garçon, ses doutes, ses peurs, ses angoisses vécus à travers des rencontres, des personnages à la fois fantasques,  pittoresques, marquants et insolites ! Et son envie effrénée de comprendre …

Puis le chamboulement, le cataclysme autour de « cette événement », cette guerre que l’on ne nomme pas !! 

Un témoignage à la fois tendre, drôle, effroyable servi par une plume incisive et néanmoins poétique !!  

Tahar Fahloun … un poète au regard lucide … 

« Le chasseur de frontière » … un troublant témoignage de l’enfance 

Des sensations tumultueuses, des émotion à fleur de peau 

 Conquise et envoutée !! 

« Le chasseur de frontière » c’est aussi cette lecture théâtralisée mise en scène par Lorena Felei jouée par La compagnie du Souffle 14 et où j’ai eu le plaisir de réaliser les photographies du spectacle.

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P 44 « Nous n’étions pas de la même religion : musulman ce n’est pas un pays, ni une race mais une religion. 
Chrétien ce n’était pas un pays, ni une race, mais des religions. Encore plus compliqué.
Ces moments de mon enfance, furent des moments-clés : ils marquèrent la fin de mon innocence paralysante et le long cancer de la méfiance. Ma quiétude d’enfant heureux vola en éclats de souffrance, et ma prime jeunesse commençait de s’évader par les brèches entrouvertes de ma lucidité naissante. Les grandes personnes n’avaient pas un tout homogène, lisse et transparent : selon que l’on vient d’ici ou d’ailleurs, on ne parle pas la même langue, on mange et on s’habille différemment et on ne voit ni le monde, ni la vie de la même manière.
Les hommes cherchent vraisemblablement la même chose, mais empruntent des voies différentes. »

 

P 17 « En même temps qu’ils égayaient les nuits folles de la rue 13, les poètes, habiles serruriers de l’esprit, se faisait toujours mission d’ouvrir plus avant les consciences que les souffrances s’acharnaient à cadenasser à double tour.

Leur vie, leur carrière, les amenaient souvent à voyager sur la planète et il n’était pas une nuit où ils ne leur faisaient pas partager cette immense moisson d’histoires, de légendes venues de pays réels ou imaginaires, tatouant à jamais l’âme des auditeurs. »

P 17 « Le projet d’une Algérie Algérienne n’existait pas encore, en tout cas pas de manière formalisée. Ce qui était essentiel, c’est que quelque chose d’insondable pour l’heure, était en train de naître, et la méfiance, de part et d’autres, s’insinuait, fourbe et souvent muette.

Les Arabes et les Français installés sur le même sol depuis plus d’un siècle, ne pourraient plus cohabiter de la même manière, mais ne savaient pas encore se le dire. Le joug était trop lourd, la misère trop prégnante et l’insolence insouciante de la jeunesse européenne, d’Afrique du Nord, commençait d’agacer, tellement le spectacle criant de leurs richesses parfois, devenait cruel et obscène. »

 

P 49 « L’instituteur, je ne pourrais jamais lui demander une chose pareille, trop peur de passer pour un con, trop peur aussi de transgresser le possible interdit. Mes questions étaient des allers simples, sans retours. Il me reste encore beaucoup de questions viatiques, dont je ne suis pas encore revenu. …

Le clown troqua alors son habit d’épouvantail bariolé, contre une tenue de détectivegosse, dont les yeux étaient la loupe, les oreilles le micro-espion, et la bouche l’inquisiteur. L’observatoire serait mon guide et mon cerveau l’intelligence.

Mon territoire d’enquête serait le quotidien dont il me fallait guetter les moindres anomalies révélatrices du crime de lèsedifférence et démasquer le coupable de l’absurdité. »

 

P 36 « Lui, c’était un soldat sans glaive ni armure, un carabinier du contact, sans pistolets ni contredanse. 

Le facteur était le lien essentiel entre le dedans et le dehors, entre l’ici et là-bas. C’était aussi un des rares Européens, à par Monsieur prud’homme et les policiers, à pénétrer dans la rue 13. Je le soupçonne, à sa manière d’avoir été un habile régulateur social, car il était de la Communauté française de l’époque, un de ceux qui nous connaissaient le mieux, loin de la peur et des préjugés douteux. Il s’intéressait à nous, à nos habitudes … »

P 77 « Kamoun avait raison, l’année 1961 fut l’année des intrigues et des dénouements tragiques qui bouleversèrent gravement nos existences.

Les Français, sauf les flics, jamais rassurés, désertaient la rue sauf les riverains qui se terraient davantage chez eux, en faisant la leçon à leur progéniture docile et étonnée.

Envolée, l’insouciance, disparu, l’équilibre pourtant fragile de notre vie communautaire. »

 

 

P 89 

NUITS BLANCHES

La vie, le jour, était belle mais tendre.

Elle offrait aux adultes du boulot, de la fête et parfois des loisirs.

Les loisirs étaient musique parfois, farniente souvent ou jeux et récits.

On refaisait le Monde avec parfois prudence, on comptait son public sans se laisser aller.

On fuyait la rue 13 en abîme nocturne, où sûr de son convive, on pourrait se confier ou décorer vraiment.

La nuit, la vie livrait peu à peu un face à face étrange avec sa partenaire, la mort.

Mariage à peine consommé entre un soleil pâlot et une lune forte, tranquille et agissante.

Croissants chauds, étoile verte d’une Afrique du Nord en mortelle césure.

A la nuit presque blanche, la tuerie s’organise, sur un terrain vague et précis, au pied tragique de l’usine de Colorants. » 

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« C’est en revenant au 13 de la rue Mont Verger, que j’ai revu cette vieille maison, ouverte à tous les vents, que ma mémoire qui commençait de se fossiliser, s’est soudain réveillée, faisant revivre les murs, les bâtiments depuis longtemps détruits, les scènes et les personnages de mon enfance que je croyais avoir désertés à jamais. Cette maison dans ce quartier du Bel-Air, fût le théâtre pendant de nombreuses années de comédies et de tragédies en plein air, ou de sinistres huis clos dont nous ne saurons jamais la teneur exacte. »

Tahar Falhoun … un poète au regard lucide … 

Genre : Témoignage autobiographique 

Loto – Edition; Léo David

 

 

 

 

 

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