Une petite bourgade au fin fond des Etats Unis, un shérif à trois semaines de la retraite …
Et nous voilà plongé dans une ambiance mystérieuse … faite de silence et de non dits ! On y découvre des personnages torturés, empreints de culpabilité … où le passé hante encore le présent !
Le récit est subtil, entre poésie et « réalité brute », pas d’emphase mais un roman susurré , chuchoté … Un souffle qu’il faut saisir !
Une écriture à la « patte » toute particulière !! Le point fort de ce roman.
Une intrigue où l’on se laisse « séduire » et un dénouement surprenant !! Pourquoi pas !!
Un hymne à la nature et sans aucun doute une « dénonciation » des ravages de l’homme moderne !!
Je me suis laissée emporter par ce polar littéraire où « deux pôles » s’opposent pour peut-être mieux s’attirer !!
Le Figaro « Dans ce polar littéraire où les paysages tiennent la vedette, certaines scènes sautent au visage. »
P 13 « Lorsque le soleil colore encore les montagnes, des êtres aux ailes de cuir noir tournoient déjà à faible hauteur. Les premières lucioles clignotent, indolentes. Au-delà de cette prairie des cigales s’emballent et ralentissent comme autant de machines à coudre. Tout le reste paré pour la nuit, hormis la nuit elle-même. Je regarde l’ultime lueur s’élever au-dessus de la rase campagne. Au sol des ombres suintent et s’épaississent. Des arbres en cercle forment des rives. La prairie se mue en étang qui s’emplit, à la surface des dizaines de sezannes-aux-yeux-noirs.
P 17 « Où donc une histoire, quelle qu’elle soit, débute-t-elle vraiment ? Un évènement ne peut se produire sans que d’autres ne se soient déjà produits. Je pourrais prétendre que cette histoire débuta avec les cours d’arts plastiques que je suivis en classe de troisième, ou avec des promesses rompues, l’une par Becky Shytle et l’autre par moi, ou bien encore qu’elle commença le jour où la manche s’une chemise vint se prendre dans les dents d’une botteleuse à foin. Mais non, je dirais plutôt que ce fut le lundi où, pour la première fois, je vis le téléphone bleu, ce même téléphone que j’eus en main un bref instant le vendredi suivant. »

« Alors que je pénètre dans les bois, c’est le parfum ample et pur des sapins baumiers. Plus loin, la senteur de moisi gorgée d’ombre. Par des trouées dans la voûte des arbres, le ciel use de pailles de soleil pour aspirer et assécher le terreau de feuilles baigné d’humidité. Pendant une minute, pas un bruit. Je recueille ce silence, le loge en moi …. »
p 104
« Dans une zone aussi rurale que la nôtre, tout le monde est rattaché à tout le monde, si ce n’est par les liens du sang du moins de quelque autre façon. Dans les pires moments, le comté ressemblait à une toile gigantesque. L’araignée remuait et de nombreux fils reliés les uns aux autres se mettaient à vibrer. Quand j’entrai dans le café un grand silence envahit la salle, signe que les gens savaient déjà. Quelques conversations reprirent, mais à mi-voix, des paroles échangées concernant la météo ou la pêche, le genre de sujet dont on parle quand tout le reste est exclu. »

P 187 « Vous n’êtes pas obligés de comprendre les mots (…). Laissez simplement les sons pénétrer en vous, comme tout ce que vous voyez, respirez et touchez. »
P 220 « Promettez-moi, les enfants, pas un mot, avait murmuré Mme Abernathy. Puis elle nous avait conduit en file indienne le long du couloir vers la porte du sous-sol, dans la sensation de grotte des murs resserrés et de la fraîche obscurité. Je suis le dernière; je tends le bras pour prendre la main de Mme Abernathy tandis que nous descendons … »
« Nous y sommes presque lorsque son chhhhhut nous fige. Des pas descendent l’escalier et s’arrêtent à mi-chemin. Mes mains se cramponnent à celle de Mme Abernathy. »
P 129 « Je grimpe le long de la rivière et le vomi me brûle la gorge comme de la soude. Des truites jonchent les bancs de sable et les berges. Quelques ouïes palpitent faiblement, mais la plupart des poissons sont morts-blanchis, brunes et arc-en-ciel ne le sont désormais plus que de nom. Plaies suppurantes sur peau fluviale. Vandoises et mémés sont disséminés parmi les espèces de plus grande taille. Deux rapaces arpentent les hauts-fonds d’un pas raide, d’autres encore tournent au-dessus de ma tête, avec noirceur, semblables aux aiguilles d’une horloge. Le lit de la rivière s’élève et se resserre. Une truite morte girouette dans le remous. Sur le sentier, entre deux tiges de centaurée noire, une araignée des jardins, la calligraphe, tangue au creux de sa toile. Une patte qui a la finesse d’un cil suspendue en l’air, comme si elle s’interrompait un instant avant de terminer son message. »
Edition Gallimard
Genre : Polar
Publié en 2015, 2019 pour la traduction française
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