La Guerre 14/18 … Les tranchées … Les tirailleurs Sénégalais … Les « Toubabs » et les « Chocolats » … « les yeux bleus jumeaux de l’ennemis » !!
On y découvre alors un livre brute et glaçant sur la folie de la guerre …
Une folie à l’état pure … une folie au delà de la vengeance … et Un instant fatal où tout bascule !!
Un livre percutant… dérangeant !! Où est alors le Bien et le Mal ??
Une incantation à Dieu … ou à la sorcellerie ??
Puis cette écriture crue, incisive, presque « sans état d’âme » … posée et « dictée » par une main « folle » …
Une souffrance écorchée vive …
Il est difficile de dire si on a aimé ou pas un tel livre !! Un tel témoignage ? c’est au delà de ça …
c’est un livre à découvrir … à « encaisser » … à « digérer » le mieux possible …
Mais c’est aussi Un beau retour à mes 20 ans … bercée par la littérature africaine …
« Peut-être que mon esprit commençait à douter de la voix du devoir, trop bien costumée, trop bien habillée pour être honnête. Peut-être que mon esprit se préparait déjà à dire « non » aux lois inhumaines qui se font passer pour humaines. »
En observant les yeux bleus de l’ennemi, je vois souvent la peur panique de la mort, de la sauvagerie, du viol, de l’anthropophagie. Je vois dans ses yeux ce qu’on lui a dit de moi et ce qu’il a cru sans m’avoir rencontré auparavant.
p 43 « La rumeur a couru. Elle a couru tout en se déshabillant. Petit à petit, elle est devenue impudique. Bien vêtue au départ, bien décorée au départ, bien costumée, bien médaillée, la rumeur effrontée a fini par courir les fesses à l’air.
Je ne l’ai pas remarquée tout de suite, je ne la distinguais pas bien, je ne savais pas ce qu’elle complotait. Tout le monde la voyait courir devant soi, mais personne ne me la décrivait vraiment. Mais j’ai enfin surpris des paroles
chuchotées et j’ai su que le bizarre était devenu le fou, puis que le fou était devenu le sorcier. Soldat sorcier. »
p 48 « L’être humain cherche toujours des responsabilités absurdes aux faits. C’est comme ça. C’est plus simple. »
p 44 « La folie temporaire permet d’oublier la vérité des balles. La folie temporaire est la sœur du courage à la guerre.
Mais quand on donne l’impression d’être fou tout le temps, en continu, sans arrêt, alors là on fait peur, même à ses amis de guerre. Alors là on commence à ne plus être le frère courage, le trompe-la-mort, mais bien l’ami
véritable de la mort, son complice, son plus que frère. »
p 80 « Par la vérité de Dieu, c’est le destin qui me l’a fait attraper lui et pas un autre. Il était écrit là-haut que c’était lui que j’irais chercher en pleine nuit au creux chaud de la tranchée ennemie. Maintenant je sais, j’ai compris
que rien n’est simple dans les écrits de là-haut. Je sais, j’ai compris, mais je ne le raconterai à personne parce que je veux rien que pour moi-même depuis que Mademba Diop est mort. Je crois avoir compris que ce qui
est écrit là-haut n’est qu’une copie de ce que l’homme écrit ici-bas. Par la vérité de Dieu, je crois que Dieu est toujours en retard sur nous. Il ne peut que constater les dégâts. Il ne peut pas avoir voulu que j’attrape le
petit soldat aux yeux bleus dans le creux chaud de la tranchée ennemie. »
p 134 « Nous avons grandi tout doucement, Mademba et moi. … A l’âge de quinze ans, nous avons été circoncis le même jour. Nous avons été initiés aux secrets de l’âge adulte par le même ancien du village. …
Le plus grand secret qu’il nous a enseigné est que ce n’est pas l’homme qui dirige les événements mais les événements qui dirigent l’homme. Les événements qui surprennent l’homme ont tous été vécus par d’autres hommes avant lui.
Tous les possibles humains ont été ressentis. Rien de ce qui nous arrive ici-bas, si grave ou si avantageux que ce soit, n’est neuf. Mais ce que nous ressentons est toujours neuf car chaque homme est unique, comme chaque feuille d’un même arbre est unique.
L’homme partage avec les autres hommes la même sève, mais il s’en nourrit différemment. »
Edition du Seuil
Genre : Roman témoignage
Publié en 2018
Votre commentaire