Bakhita … Véronique Olmi

Bakhita, petite fille née au Soudan, dans un petit village africain … elle deviendra esclave à 7 ans … puis domestique religieuse et Sainte
Un récit terrifiant et effrayant … Un parcours bouleversant … et un saut dans la barbarie !

Puis ce mot « Abda« , esclave qui revient inlassablement comme une sombre mélopée !!

1885 Son arrivée en Italie … ses premier pas en tant que domestique …
Il y aura la barrière de la langue à chaque nouveau voyage …
Elle qui n’a plus de langue maternelle … une langue qu’elle aura oublié au cours de ce long voyage torturé … « Il est difficile de penser calmement quand on doit parler une langue qui est plus fuyante que l’eau du torrent. »

Bakhita « la bella moretta » belle … forte … fragile … soumise … attentive … patiente …
« Elle est belle, elle est douce et résignée. Mais elle est aussi indestructible . Comme une survivante, elle porte en elle un monde incommunicable. Et c’est cela qui les effraye, cette puissance qu’ils ne comprennent pas. »
Une leçon de vie sans doute mais surtout un combat pour survivre !!

Une belle écriture pleine de finesse
Une interprétation de sa vie, de ses émotions comme on interprète une peinture … une sculpture … un chef d’oeuvre !!

Un livre « extraordinairement » bouleversant mais en même temps j’ai ressenti un  malaise
Ne lui vole t’on pas encore et toujours son intimité … sa vie, en réécrivant son histoire ?? Elle qui n’aimait pas raconter … qui a souvent regretté ses premières confidences aux enfants !!
Qui ne comprenait pas pourquoi sa vie semblait si « intéressante » (le feuilleton de « Sa Storia meravigliosa » en Italie) elle pensait que les gens avait surtout besoin « d’exotisme » !! « Elle se souvient d’elle-même,c’est loin
dans sa vie et c’est très proche, un vent violent qui la bouscule, ranime les braises de ce qu’elle a été. Sa vie. Son enfance quelque part.
Quand elle n’était différente de personne.Quand être noire était simplement être.«  Elle qui répétait inlassablement « comme vous » p 371

Ou alors … peut être … est ce ça, Une Sainte ? Se croire ordinaire alors qu’on ne l’est pas ??

« Ça n’est pas une histoire merveilleuse. Storia meravigliosa. Pour qu’une histoire soit merveilleuse, il faut que le début soit terrible, bien sûr, mais que le malheur reste acceptable et que personne n’en sorte sali, ni celle qui raconte, ni ceux qui écoutent. »

 

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Photo prise à l’église de Saint Etienne du Rouvray !! 

p 14 « Pour ce récit, sa mémoire est revenue. Mais son nom, elle ne l’a jamais retrouvé. Elle n’a jamais su comment elle s’appelait. Mais le plus important n’est pas là. Car qui elle était, enfant, quand elle portait le nom donné par son père,
elle ne l’a pas oublié. Elle garde en elle, comme un hommage à l’enfance, la petite qu’elle fut. Cette enfant qui aurait dû mourir dans l’esclavage a survécu, cette enfant était et reste ce que personne jamais n’a réussi à lui prendre.« 

P 57 « Est-ce que les lieux existent encore quand on les a quittés ? »

p 67 « Et soudain cela arrive. Une lumière très fine, une main posée à l’intérieur d’elle, qui prend sa douleur, celle de son âme, et celle de son corps, l’enveloppe sans la bousculer, comme un voile qui se repose. Elle respire sans
que ça fasse mal. Elle vit sans que ce soit terrifiant. Elle attend un peu, surprise, elle se demande si cela va durer, cela dure, alors elle s’assied, et elle regarde la nuit. Elle est claire et tremble d’une chaleur qui passe sur elle, et à cette chaleur elle s’abandonne.
Elle a raconté cette nuit-là. Le feuilleton de sa « Storia meravigliosa » sa rencontre avec « son ange gardien« . Elle, ne nommait pas ainsi cette nuit de la consolation. C’était un mystère et un espoir, c’était surtout une envie de vivre encore, l’interstice
par lequel passe la dernière force humaine, avec la certitude fulgurante et violente de ne pas être totalement seule. »

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Photo prise dans l’église de Saint Etienne du Rouvray !! 

p 100 « ça ne servait jamais à rien de crier, de pleurer. C’était comme un chant que personne n’écoutait, « le chant des séparés« . Le dégoût de soi ne quittait pas les esclaves. L’envie d’avoir un autre corps, une autre peau; un autre destin, et un peu d’espérance. Mais en quoi ? »

p 137 « Un jour elle ferme les yeux et elle voit son cœur. C’est un oiseau aux ailes repliées et qui dort doucement. Cette image lui fait du bien, elle est jolie comme un cadeau, mais surtout, elle signifie qu’elle n’est pas morte. Elle dort, simplement.
Elle dort. Un jour, elle se réveillera.« 

p 150 « Bakhita voudrait être la poussière. Elle voudrait être le tissu devant la fenêtre. Elle voudrait être vraiment une chose. Pas une esclave. Une vraie chose. »

 

p 169 « Alors elle a tendu la main pour prendre la tunique, et Aïcha l’a aidée. Elle a passé la tête, les manches ont recouvert ses bras, et le tissu a pris ses épaules, son ventre, ses jambes, son corps tout entier. Au dessus de la tunique blanche
ne ressortait que le noir de son visage, comme sculpté à la lumière, et miraculeusement non scarifié. Toutes les marques d’infamie étaient cachées, la tunique était comme un voile de
pudeur et pour la première fois depuis son enlèvement, elle a ressenti qu’il y avait quelque chose d’elle qui n’appartenait qu’à elle . Son corps, objet de profit et de tant de violences, lui était rendu , dissimulé aux autres il devenait un secret . Son secret . C’était le premier. »

p 178 « Et elle se demande pourquoi le monde est si beau. A qui on le doit. La laideur des hommes, elle la connaît. La violence qui vient de leur terrible colère. Mais la beauté d’où vient-elle ?
La nuit se tient au dessus des hommes libre et immortelle. Et cette nuit lui parle. Comme la terre l’a fait, qui se souvenait de la souffrance des esclaves passés avant elle. Bakhita comprend qu’on peut tout perdre, sa langue, son village, sa liberté.
Mais pas ce que l’on s’est donné. On ne perd pas sa mère. Jamais. C’est un amour aussi fort que la beauté du monde, c’est la beauté du monde.
Elle porte la main à son cœur,
et elle pleure, des larmes de consolation. Elle a eu si peur de la perdre. »

« Il y a des pensées qu’il vaut mieux chasser, des visions qu’il est mal d’avoir, et certains s’agenouillent et tombent en prière devant tout ce qui suscite en eux, de dangereux et de violent, cette femme noire assise dans la cour du couvent. Cela fait deux jours
qu’elle est exposée, certains sont venus deux fois, pour s’habituer et avoir moins peur, ainsi que leur ont expliqué les sœurs de l’institut. « S’habituer et avoir moins peur ».

p 371 « On lui demande si sa mère lui manque, si son père lui manque et ses sœurs, son village, et elle a envie de leur dire : comme vous. Oui, comme vous, parce que tout le monde aime quelqu’un qui lui manque. Mais
ce n’est pas ce qu’ils veulent entendre. Ils veulent entendre la différence; ils veulent aimer avec effort, aller vers elle comme on découvre un paysage dangereux, l’Afrique archaïque. Ils sont sincères, tellement. Mais elle ne pourrait que les décevoir, parce que
sa vie est simple, et ses souffrances passées n’ont pas de mots. »

« Elle ne comprend pas la phrase, elle comprend le sentiment. Et c’est comme ça que dorénavant elle avancera dans la vie. Reliée aux autres par l’intuition, ce qui émane d’eux elle le sentira par la voix, le pas, le regard, un geste parfois. »

Edition : Albin Michel

Genre : Roman biographie 

Publié en 2017 

 

 

 

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