Une plongée dans les années 1800 …la vie dans les campagnes et villages bretons … au milieu des croyances … des superstitions !!
Des fées maléfiques … des sorcières … des rituels … des coutumes … des menhirs …
Et Hélène Jégado enfant du Morbihan devenue Fleur de Tonnerre … énigmatique, effrayante et sans pitié … qui grandit et tente d’apprivoiser ce monde « curieux » …
p 9 « -Ah mais ne cueille pas ça, Hélène, c’est une fleur de tonnerre. Tiens, c’est ainsi que je devrais t’appeler dorénavant : « Fleur de tonnerre » ! Ne tire pas sur cette tige non plus, c’est celle d’une fleur à vipère. On raconte qu’une femme qui en avait confectionné un bouquet est
devenue venimeuse et que sa langue s’est fendue en deux. »
Une balade dans cette Bretagne … on traverse des villes et des villages .. Guern .. Locminé … Auré … Vannes … Lorient … ou les morts s’égrènent au fil des pages ..
et ces deux pauvres perruquiers normands perdus et « déboussolés » … p 130 « – Quel temps pourri ! On est autant entourés d’eau que de poissons. A force, il va nous pousser des écailles ! Mais qu’est-ce qu’on est venus foutre dans cette Bretagne de merde ?! »
Dans ce monde étrange … mais qui est l’Ankou ? L’ouvrier de la Mort !! Le carnage ...
Une écriture un peu crue … glauque … et à la fois poétique …
Un Roman … un « Conte » étrangement fascinant … fantastiquement « noir » !!! A découvrir !!!
Et si nos frayeurs pouvaient déterminer notre vie !!!
p 21 « -Pourquoi l’Ankou fait-il mourir les gens ?
– Pourquoi ? … Il n’a pas besoin de raison, l’Ankou, avec sa charrette dont l’essieu grince toujours : « wik … wik … » Il croise ou s’introduit chez les êtres, ne se fâche jamais après quiconque. Il les fauche, c’est tout. De maison à maison, c’est
son travail, à l’Ouvrier de la Mort. »
p 57 « Fleur de tonnerre, pensive face à l’océan, éprouve en elle un abîme de vide. La vue de cet infini stérile l’attriste aux larmes. Là-bas, des îles ressemblent à des baleines endormies et, plus près de la côte, les îlots rugueux aux colorations somptueuses
semblent être des bijoux sertis par l’écume argentée des vagues. Quand elles sont hautes, des rayons de lumières les traversent avec des frissonnements qui s’entrecroisent et les cormorans se glissent dans le lit du vent. Leur cri de poulie répond à la secrète inquiétude émise par Yann :
-Aurons-nous cette nuit du gibier de mer ?… »
p 58 « Devant les sourcils froncés de la splendide Morbihannaise qui semble ne pas trop comprendre ce qui se trame, Yann, des Côtes-du-Nord, justifie :
– Une prérogative ducale nous a donné le droit de bris, donc l’autorisation de se servir dans les épaves rejetés sur le rivage. Mais comme finalement les naufrages naturels près des côtes sont plutôt rares, il nous faut bien forcer un peu le destin. Vive
la fatalité organisée et hue ! lance-y-il ensuite à la vache au cou qui ploie sous le poids de fanal éblouissant mais se met en branle. »
p 64 « Pendant que la confiture refroidit, l’amoureux de Fleur de tonnerre s’échauffe :
– La séduction que tu exerces est si soudaine et si impérieuse … Le sortilège de ton sourire a quelque chose de plus troublant encore. Un pollen de sensualité flotte autour de toi. Tu embaumes l’air.
Tiens, voilà que le naufrageur devient sentimental. Il ajoute : « Tes prunelles sont comme des fleurs bleues dans du lait« , enfin ce genre de conneries, puis propose :
– Sais-tu qu’on serait bien encore, nous deux, dans le secret de cette voile ? »
p 73 « – Ce saint (Saint Yves) est si souvent distrait, paresseux ou revêche, qu’il n’agit que sous la menace des coups.
– Taisez-vous donc ! ordonne le curé. Et cessez d’avoir cette crédule de Basse-Bretagne. Tout ce qui n’est pas strictement, exclusivement, éperdument de l’église catholique romaine doit être jeté aux latrines !
Quelqu’un d’autre proteste ;
– Abbé Le Drogo, voilà une fâcherie louable et indigne à la fois. C’est bien pour le prêtre mais c’est mal de la part d’un Breton. En voulant supprimer cette croyance vous diminuez d’autant l’âme celtique. Vous jetez au vent, avec la poussière de Saint Yves,
notre coutume. »
p 88 « Pendant que la belle cuisinière blonde, chapelet entre les doigts, poursuit son énumération : « Marguerite André, Françoise Jauffret … « , la sœur de son employeur se lève brutalement. Elle paraît ressentir une violente brûlure intérieure que douze pots de lait ne sauraient apaiser. Elle se
jette d’un côté et de l’autre, se dresse, se replie, c’est déchirant à voir. Elle se retourne. Sa bouche est béante et ses yeux très fiévreux. On dirait que toutes les ruses d’une grossière fourberie produisent en son ventre des effets incroyables. Elle chie sous elle. Ses chevilles sont
inondées de diarrhée qui coule dans les souliers. Heureusement que sa jupe plissée est déjà brune parce que sinon … Tachycardie, mydriase, hyperthermie, hallucinations, délire, agitation, sa mort survient par paralysie des voies respiratoires. «
p 98 « Elle passe et repasse devant la lumière de la fenêtre qui découpe à chaque fois sa jolie ombre sur le parquet de la chambre et relate à la souffrante une légende : celle d’un cavalier qui, revenant de voyage, trouva une femme grelottante de fièvre au bord de la route. Il la prit
sur sa monture et l’emmena en ville. C’était la peste. »
– Vous voudriez travailler chez moi ? Avez-vous bien compris qu’à « La Sirène », vous n’auriez pas seulement à récurer les casseroles ?
– Que voulez-vous que je comprenne, mon cher monsieur ?
– Dans une taverne-bordel militaire se mijote aussi un peu l’amour. Y seriez-vous disposée ?
– Je ne suis pas ennemie d’un tout petit brin de fleurette.
p 137 « _ Mais alors avec votre Léon Napo, là […] , la France est devenue très, très grande…
_ Il l’a laissée plus petite que quand il est arrivé au pouvoir.
_ C’est loin d’ici, la France?
_ Nous sommes en France, Hélène.
_ Mais non, ici, c’est la Bretagne. Oh, mon pauvre monsieur, ça ne va plus du tout! »
.Wik. Wik...
– Ce n’est pas le son d’une carriole qui s’approche et va me dépasser. Je l’aurais entendu venir de loin.
Wik! Wik!…
Le grincement criard est de plus en plus bruyant et plus proche. Assourdissant, il résonne même si près.
Wik!!! Wik!!! ...
– Est-ce la karriguel de l’Ankou ?
La fille de Plouhinec se retourne. Rien derrière elle. La domestique reprend sa route.
– Ah ben non, c’est moi.
p 150 « Lui la découvre, de dos, dans le reflet d’un miroir accroché au mur d’en face. Les épaules de la douce, sa taille fine, son cul élargi parce que assis sur les talons, dessinent la silhouette d’une guitare. En haut de cet instrument à plaisir, une chevelure blonde bascule d’avant en
arrière et lui la saisit par les cheveux pour imprimer un rythme. Beau vainqueur lumineux, pur comme un ange, avec l’aurore qui arrive il lui égoutte dans la bouche un adieu transparent. Des larmes pâles aux reflets irisés ruissellent à des commissures féminines. »
Édition : Julliard
Genre : Roman
Publié en 2013
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