Un Roman fort avec les derniers mois de la vie de Paul Verlaine.
Un poète extravagant qui passe du sublime au plus sordide !!
Un roman qui nous emporte et nous transporte dans un Paris de l’époque, un Paris « malfamé« , la rue Descartes aux rencontres et odeurs douteuses puis le Quartier Latin avec ses étudiants éblouis par les vers de Verlaine !!
Une étonnante rencontre avec tous ses personnages et amis de Verlaine, hallucinants et fantasques !
Paul Verlaine aussi appelé « Pauvre Lilian« (anagramme), poète malade, alcoolique, « lubrique » et néanmoins un génie de la prose !
Un enfer ponctué de moments magiques, presque féeriques
où il est Idolâtré dans le monde entier, où ses vers valent de l’or !!
L’auteur, Jean Teulé est passionné et nous le fait partager …
Une écriture subtile et sublime !
Une vraie poésie des mots !
Une téléportation littéraire exquise !!!
p 12 « Alors ça, avec lui, comment savoir ? Paul Verlaine est un très grand poète mais c’est aussi quelqu’un de fort singulier. Il peut être le plus gentil des hommes mais, dame … il a ses mauvais jours. ça dépend.
– Où habite-t-il ?
– Rue Descartes, au 18, à l’Hôtel de Montpellier, ou alors au 39. ça aussi, ça dépend … »

p 42 « Le poète présenta Henri-Albert à Cazals : « Parti d’une ferme près de Béziers, il est venu à pied en mangeant mes livres. »
– Ah bon ? Et comment découvre-t-on Verlaine quand on habite là-bas ?
– Mon oncle m’a envoyé Les Poèmes saturniens et Jadis et Naguère pour mon anniversaire. »
… « Le dessinateur au grand sourire, posant son carton à dessins sur une chaise, observa le maigre Cornuty au pantalon trop court, veston étroit, qui montraient qu’il était en pleine crise de croissance.
– Tu aurais mieux fait de bouffer du Hugo. La Légendes des siècles – huit cents pages- , t’aurais été plus gros. »
p 47 « Frédéric-Auguste, allait vers la table de Paul, émit des doutes quant à l’intégrité de Tailhade : « Une critique de cet empereur de la Décadence, plus qu’avec tout autre, c’est … courir un risque ! Tu peux gagner mais tu peux perdre. »
Verlaine ne le contredit pas en s’asseyant sur le lit pour écrire, au crayon, une affectueuse dédicace dans le livre destiné au critique littéraire de L’Echo de Paris :
– Bah … Ils ne sont plus si nombreux ceux de ma génération pour qui j’existe encore. Lui, Stéphane Mallarmé, le pauvre Villiers de l’Isle Adam, Léon Bloy et puis ? »
p 81 « Le Diable – blonde un peu voûtée et les épaules remuantes – sortit d’un porche, prit le poète par le bras et l’entraîna vers le rue Descartes.
– Tiens, Philomène Boudin …
– Les clients m’appellent Esther !
– I prefer Philomène. »
… « La jeune catin de Lacan – dix-neuf ans – exhiba un insolent chapeau et fit tinter ses bracelets comme une mule espagnole agite ses grelots un jour de fête. »
p 163 « Cornuty s’approcha d’un Verlaine blème ; » … « Henri-Albert prit le quotidien et lut à voix haute : Villiers de L’Isle-Adam est mort. » … « Il (Verlaine) s’enferma dans un tel mutisme que tous comprirent qu’il fallait s’en aller. Seul Henri-Albert resta et se glissa sans bruit dans le lit du Mort. » …
« Verlaine murmura :
– Tu nous fuis comme fuit le soleil sous la mer ... «
« Le petit convoyeur de sang aux abattoirs de la Villette trouva du papier – des bulletins d’inscription de l’Assistance publique – mais pas de crayons. Un éclat de verre, provenant de la fiole d’absinthe cassée, brillait près d’une plinthe. Il s’en empara et s’entailla une veine du poignet
tout en se rongeant l’ongle d’un pouce. De ses jeunes incisives, il fendit la rognure et commença à écrire sous la dictée, faisant des pleins et des déliés, des éclaboussures rouges.
Tu nous fuis, comme fuit le soleil sous la mer,
Derrière un rideau lourd de pourpres léthargiques,
Las d’avoir splendi seul sur les ombres tragiques
De la terre sans verbe et de l’aveugle éther …
Des dents pincèrent des lèvres et des larmes coulèrent vers les oreillers dans la salle Lassègue. Plus tard, Verlaine en fut à :
Nous restons pour encore un peu de temps ici,
Conservant ta mémoire en notre espoir transi,
Tels des mourants qui savou …
Le poème terminé, Henri-Albert souffla la chandelle. »
p 180 « Un soir, qu’il était rentré très ivre dans le gourbi de la cour Saint – François où il vivait avec sa mère, il exigea des ors : « Je veux des milliards pour retourner boire des millions de pintes. Maman, donnez-moi des milliards sinon je tue vos enfants.« »… « et il
ouvrit la porte d’une armoire, dernier vestige de l’histoire d’une famille dont le père, militaire, était mort de chagrin dix ans plus tôt. Sur l’étagère du haut, trois bocaux où la mère conservait pieusement – quelle idée, aussi ! – baignant dans l’alcool les fœtus de ses trois
fausses couches avant la naissance de Paul-Marie, l’enfant poète. Les récipients luisaient dans la lueur du candélabre et les fœtus flottaient dans l’eau-de-vie. Ce fut hallucinant. Paul décrocha du mur le sabre de son père, capitaine du génie : « Au diable, les bocals ! »
Il en attaqua deux dans l’armoire, sabre au clair, bu l’alcool à même les bocaux éclatés. Tête renversée, parmi les débris de verre, ça ruissela partout sur son visage, coula dans ses vêtements. Des bébés lui tombèrent sur les lèvres. Un autre (une fille) attendait son tour, flottant comme dans un rêve derrière sa paroi de verre. »
p 216 « Le vent du boulevard plaqua les pans de la robe de la jolie petite Ardennaise contre ses fesses que Verlaine contempla en grognant ; « Quand mes couilles tapent contre son cul, je crois entendre sonner les cloches de mon pays mais … »
Derrière lui, Eugénie prit son bras :
– … Avec elle, ce sera toujours pareil. Elle te trompera et tu seras malheureux …
Le poète détailla la terrible figure de Nini Mouton engoncée dans les épaules de son manteau sombre. Sa face plate, large et convulsée, sous la lumière verticale des réverbères, ressemblait à celle d’une gargouille. »
p 218 « Il s’assit à sa table de travail, alluma sa lampe à pétrole. La tête de hibou en verre luit de reflets dorés. Il souffla sur ses doigts puis plaqua ses paumes contre le tube de la lampe pour les réchauffer. Plus de bois dans le panier près de la cheminée …
La feuille de papier huilé recouvrant le carreau cassé de la fenêtre avait dû se déchirer pendant son absence. On avait cloué à la place un calendrier des Postes dont les pages en battant secouaient les dates. Un drap recouvrait la cage de l’oiseau. Du tranchant de la lame de son canif à cran d’arrêt,
Verlaine gratta l’encre séchée d’une plume en fer rouillé qu’il trempa ensuite dans l’encrier :
POUR VOTRE FÊTE, MA CHèRE
Le poète n’est pas très riche !
… alors
Il se contente avec remords
De vous offrir, non pas des ors
Ni même d’humbles rangs de perles,
Mais son petit air pépié,
Comme le plus humble des merles. »
p 263 « – Rimbaud !
Paul avait été sa « vierge folle » et, après avoir tenté de le tuer de deux coups de revolver, était sorti très mystique de la prison belge de Mons. Il avait voulu retrouver l’Arthur en Allemagne pour tenter de le convertir au catholicisme. Celui-ci raconta leur dernière entrevue terrestre en ricanant ; « Verlaine est arrivé ici
l’autre jour, un chapelet aux pinces … Trois heures après, on avait renié son Dieu et fait saigner les 98 plaies de Notre Seigneur. » Et il l’avait laissé sous le lune, exsangue au bord d’un fleuve allemand, pour s’en aller mourir, lui, d’un cancer dans la lumière d’Afrique. »
p 266 « »Lui (Verlaine), né dans la bourgeoisie de Metz, n’en revenait pas de sa dégringolade : « Ah, quand même, c’est emmerdant la misère lorsqu’on a su ce que c’est d’être un peu à son aise … «
p 281 « Verlaine tourna vers François ses yeux mongols puis il eut un étonnant visage d’enfant ; « Tu sais, quand j’avais à peu près ton âge, un jour, j’écoutais le chant d’une bouilloire … Et j’ai plongé ma main dans la belle eau d’argent bouclée qui faisait une si jolie musique. Résultats, une brûlure effroyable. Depuis,
c’est toute ma vie que j’ai plongé dans une eau bouillante … J’ai vécu une existence d’eau bouillante ! »
Édition : Julliard
Publié en 2004
Genre : Roman
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