Un conte magnifique, où se mêle désespoir, tourment et détresse.
Une errance … un mal « morbide » qui ronge …
Une violence silencieuse et insidieuse !
Deux femmes, Fiona et Thérèse … deux écorchées vives, ligotées à leurs secrets !!
Une quête de vérité pas vraiment consciente … et sans doute la recherche d’une paix intérieure …
Et puis toutes ces histoires … d’escalier au fond de la pharmacie … de lettre non reçue … de manèges … de ventre qui s’arrondit … et PetitDo dans tout ça, avec ses bobos … ses sept peaux et ses égratignures !!
Et peut être … enfin … Pierre !! Sera t’il apaiser toutes les souffrances ? Apporter une note d’espoir ?
Un roman fort et troublant, d’une immense sensibilité …
Une écriture « incisive » et sublime … tant elle nous transperce …
Une Histoire de femmes …
Un enchantement qui perdure même au delà du roman …
Un Sublime coup de coeur !!
« Sage-femme, l’auteure a entouré la naissance d’un enfant qu’elle n’a jamais oublié. Un petit inconnu dans la nuit.
Des années plus tard ce roman est écrit, et Fiona, l’héroïne, pose la question :
– C’est quoi un enfant monstre ?
Peut-il naitre, réussir à venir jusqu’à nous, et pourquoi ?
Peut-on l’aimer sans mesure ?
Cette interrogation fait frémir tout parent en devenir.
La réponse pourrait être : nul être humain ne vient pour rien sur la terre.«
P 130 « Moi Fiona, de ma pharmacie natale, là-bas, emmaillotée dans mes sept peaux, serrée, rien ne glisse, tout est sec, on croule ici sous les onguents et pas un endroit pour poser sa joue, s’endormir bien dans la peau souple, s’étirer sans craquer.Sept peaux c’est trop, laissez-moi sortir !
Et les murs rapprochés, pelés, se raidissent, asséchés d’antiseptiques ; et une à une les marches, on est assis là pour toujours, l’arête fichée dans les épaules, puis dans le dos quand on a grandi … L’ombre touche, heurte la tête, l’angoisse effleure.
Ne respire pas malheureuse !
Tiens-toi, attends, pas un gramme d’amour, tu peux peser sur la méticuleuse balance à poudre, précision, remèdes écrasés, rien, pas un gramme d’amour. »
p 25 « Elle écoutait les mouettes crier dans la rue, fermait les yeux. Sa main se levait, atteignait sa nuque. Ses doigts prenaient place : les deux derniers s’appuyaient sur le renflement osseux du crâne, tandis que le majeur opérait déjà sur la plaie. Un bien-être l’envahit quand la simple douleur apparut et qu’elle sentit le sang venir
sous son ongle. »
p 34 « Les réprimandes qu’elle s’adressait glissaient sur son visage, légères comme la pluie. Plus profond, provoquant un remous qui lui soulevait le cœur, elle pensait : « Ils
sont morts et maintenant, que deviennent les regards ? » Elle cherchait les regards, ceux qu’ils avaient à table ; celui de Fanny venait vite, très net, tandis que dans le visage de son père, elle ne trouvait
plus rien, ni chair, ni couleur, ni paroles, et ce vide penchait avec la tête, rejoignait les yeux qui glissaient jusqu’à s’évanouir eux aussi. Elle fouillait sa mémoire, tâtonnait, s’approchait une
seconde de la forme des yeux et s’égarait dans une foule de regards inconnus. Elle s’arrêta sur le trottoir. « Alors. Que deviennent les choses maintenant ? Que devient-on ? Rien. Le vide.
Comme avant. Et moi avec mes peaux … je continue, je blesse, j’écorche. Comme avant. Quel vide partout. Il faut que je parte d’ici. »
P 135 « Un vrai petit sauvageon au début ! Et puis nous nous sommes approchés l’un de l’autre, en fait, j’ai découvert qu’il était un chat pensif. Il n’est pas du genre à venir ronronner sur nos genoux, mais il sait bien nous aimer.
- Comment s’appelle-t-il ? Demanda Olaf.
- Il n’entend pas dit Fiona, il ne miaule pas non plus, il vit dans un silence. A quoi servirait de lui donner un nom ?
- Pas un nom pour l’appeler, un nom pour le connaître … et pourquoi pas Silence ?
- Oh oui, dit l’épicière, Le chat silence, ce nom lui va bien. »
p 38 « La plaie de son ventre était brûlante. Elle posa sa main à plat dessus, pressa avec légèreté. … Elle sentait, sous sa paume, bomber cette chose informe qui voulait encore devenir sa peau malgré des
étages de chair déchirée et refermée vaille que vaille. Des langues de sang tâtonnant l’une vers l’autre, alvéoles suintantes laissées en attente puis oubliées dans la fièvre du but à atteindre. Avancée têtue des langues
cent fois désagrégées et arrachées par l’ongle, qui ne cédaient pas, qui, après un temps de souffle dans le désordre brûlant des restes de tissus, se rassemblaient, drainant au passage la moindre survivance, le
moindre battement. Puis, écrasées les unes contre les autres, se chevauchant sans merci, s’engouffraient dans le seul ruisselet possible afin d’atteindre le lieu de leur plénitude ; la peau, si infime soit-elle, à recommencer. »
p 79 « PetitDo regardait sa peau se refaire. La peau avait poussé la blessure vers le dehors, vers un espace froid qui l’avait desséchée.
Étirée, fine, d’un rose pâle à reflets bleus, régnante, silencieuse, obstinée, la peau réorganisait ses étages. »
p 87 « – J’aime être ici avec vous. Des heures et des heures. Je suis ici comme à l’intérieur de moi-même. Comme dans une pensée à moi. ça ne dure qu’une seconde, une pensée. Ici, dans cette seconde,
on vogue toute la nuit. Nos ailes sont repliées, on n’a pas besoin de s’en servir, on n’y songe même pas. On est dans ma pensée, bien sagement mises, et c’est elle voyage.
Se peut-il qu’on attende quelque chose ? »
p 128 « Des jours sans rien sentir et je me dis : Est-ce mort ? Depuis le temps que rien ne bouge … Non. Reviennent les minutes de mollesse, quelque chose qui voudrait devenir poing, qui s’affaisse, qui ne peut pas … Il a du mal à vivre
lui aussi. Il a sans doute un cœur qui bat. Et c’est là qu’est le problème : un cœur qui bat. Il en est des cœurs comme des machines. Savent-ils ce qui se passe autour ? Toute
cette misère ? Non, ils poursuivent, ils s’entêtent, ils battent sans compter. A moins qu’on ne les transperce … «
http://www.leveilnormand.fr/2013/11/21/portrait-de-marie-murski-auteur-du-roman-le-chat-silence/
Première rencontre avec l’auteure … au salon du livre de Andé … en octobre 2015
Edition : Léandre
Genre : Roman
Publié en 2013
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