Je voudrais pas crever … Boris Vian

Le plaisir de découvrir … La littérature Française …

Après Émile Zola, Eugène Sue, Georges Sand, Albert Camus, … Roland Barthes

Je découvre Boris VIAN !

 J’ai longtemps pensé que lire du Maupassant, Pagnol, Colette, Zola, Hugo, Balzac … était « ennuyeux » !!
Et pourquoi  jeune lectrice dévorant les livres je m’ennuyais autant en cours de Français !!

Mais  j’ai décidé 30 ans plus tard de changer les choses et de découvrir ces grands noms de la littérature française !! Il n’est jamais trop tard !
Et que de belles surprises !!

J’ai été envoûtée par Boris Vian, son écriture « déjantée » et ses raisonnements étonnants !!

Sa philosophie de la vie … fascinante !!

Un poète « décalé » !!
p 111 « Je sens, cher ami, qu’à ce stade, non seulement vous, mais d’autres lecteurs aurez du mal à suivre les méandres de ma pensée, et comme je vous comprends, mais
c’est la conséquence d’un vœu, et je me suis aperçu que lorsque j’écris un article ou une chronique, il me faudrait trois ans pour arriver à la version définitive et ordonnée.
C’est une tare, j’ai le mental discontinu. Ponctuel et non pas linéaire. Vous me le pardonnez, je n’ai pas chaque fois trois ans. »

Ses poèmes désabusés

« La vie, c’est comme une dent
D’abord on y a pas pensé
On s’est contenté de mâcher
Et puis ça se gâte soudain
Ça vous fait mal, et on y tient
Et on la soigne et les soucis
Et pour qu’on soit vraiment guéri
Il faut vous l’arracher, la vie« 

9782253141334

« Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d’égout

Je voudrais pas mourir
Sans qu’on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d’avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu’est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d’avoir goûté
La saveur de la mort... »

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p 45 : Un poète
« Un poète
C’est un être unique
A des tas d’exemplaires
Qui ne pense qu’en vers
Et n’écrit qu’en musique
sur des sujets divers
Des rouges et des verts
Mais toujours magnifiques« 

p 47 : Si les poètes étaient moins bêtes
« Si les poètes étaient moins bêtes
Et s’ils étaient moins paresseux
Ils rendraient tout le monde heureux
Pour pouvoir s’occuper en paix
De leurs souffrances littéraires.

Ils construiraient des maisons jaunes
Avec de grands jardins devant
Et des arbres pleins de zoizeaux
De mirliflûtes et de lizeaux
Des mésongres et des feuvertes
Des plumuches, des picassiettes
Et des petits corbeaux tout rouges
Qui diraient la bonne aventure

Il y aurait de grands jets d’eau
Avec des lumières dedans
Il y aurait deux cents poissons
Depuis le croûsque au ramusson
De la libelle au pépamule
De l’orphie au rara curule
Et de l’avoile au canisson

Il y aurait de l’air tout neuf
Parfumé de l’odeur des feuilles
On mangerait quand on voudrait
Et l’on travaillerait sans hâte
A construire des escaliers
De formes encore jamais vues
Avec des bois veinés de mauve
Lisses comme elle sous les doigts

Mais les poètes sont très bêtes
Ils écrivent pour commencer
Au lieu de s’mettre à travailler
Et ça leur donne des remords
Qu’ils conservent jusqu’à la mort
Ravis d’avoir tellement souffert
On leur donne des grands discours
Et on les oublie en un jour
Mais s’ils étaient moins paresseux
On ne les oublieraient qu’en deux. »

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Illustration: Paul Delvaux

Y AVAIT UNE LAMPE DE CUIVRE

« Y avait une lampe de cuivre
Qui brûlait depuis des années
Y avait un miroir enchanté
Et l’on y voyait le visage
Le visage que l’on aurait
Sur le lit doré de la mort
Y avait un livre de cuir bleu
Où tenaient le ciel et la terre
L’eau, le feu, les treize mystères
Un sablier filait le temps
Sur son aiguille de poussière
Y avait une lourde serrure
Qui crochait sa dure morsure
A la porte de chêne épais
Fermant la tour à tout jamais
Sur la chambre ronde, la table
La voûte de chaux, la fenêtre
Aux verres enchâssés de plomb
Et les rats grimpaient dans le lierre
Tout autour de la tour de pierre
Où le soleil ne venait plus

C’était vraiment horriblement romantique. »

Ces « Lettres au collège de Pataphysique »

Définition de la Pataphysique : Le Collège en propose plusieurs définitions. De la plus directe, « la science des solutions imaginaires », à la plus complexe : « La ‘Pataphysique
est à la métaphysique
ce que la métaphysique est à la physique », voire « la plus vaste et la plus profonde des Sciences, celle qui d’ailleurs les contient toutes en elle-même, qu’elles le
veuillent ou non », ou bien encore : « La ‘Pataphysique est l’équivalence des contraires » ; pour résumer : « La ‘Pataphysique est la substance même de ce monde.»

p 78 AXIOME
« Retirez le Q de la coquille : vous avez la couille, et ceci constitue précisément une coquille.
Je laisse à cet axiome, monsieur, le soin de perforer lui-même, de son bec rotatif à insertions de patacarbure de wolfram,
les épaisses membranes dont s’entoure, par mesure de prudence, votre entendement toujours actif. Et je vous assène,
le souffle repris, ce corollaire fascinant :
Et ceci est vrai, que la coquille initiale soit une coquille de coquillage ou une coquille d’imprimerie, bien que la coquille
obtenue en fin de réaction soit toujours (à moins de marée extrêmement violente) une coquille d’imprimerie en même temps qu’une couille imprimée.
Vous entrevoyez d’un coup, je suppose, les conséquences à peine croyables de cette découverte. La guerre est bien loin.
… Bref, partons d’une coquille. La suppression du Q entraîne presque
immédiatement la mutation du minéral inerte en un organe vivant et générateur. Et dans le cas d’une coquille initiale d’imprimeur, le résultat est encore plus spectaculaire,
car la coquille en question est essence et abstraction, concept, être de raison, noumène. Le Q ôté permet le passage de l’essence à l’existence non seulement existante mais
excitable et susceptible de prolongements.« 

Sa Lettre à sa Magnificence Le Baron Jean Mollet
Vice-Curateur du collège de Pataphysique sur les truqueurs de la guerre.
p 91 « Je me garderai d’insister sur le danger psychologique de ce triste état de choses : il est précis, colossal, obligatoirement, plus ou moins l’idée qu’elle n’était pas dangereuse. Ceci
concourt à l’échec de la suivante, et ne fait pas prendre au sérieux les guerres en général. Mais ce ne serait rien. Le combattant qui ne s’est pas fait tuer garde en lui-même une mentalité de raté; il aura à cœur de compenser cette
déficience et contribuera donc à préparer la suivante; or comment voulez-vous qu’il la prépare bien, puisqu’il s’est tiré de la précédente et que par conséquence, du point de vue de la guerre, il est disqualifié ?« 

Préface et notices par Noël Arnaud

Edition : Fayard/Pauvert 1962

Un commentaire sur “Je voudrais pas crever … Boris Vian

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  1. Plusieurs de ses poèmes ont été mis en musique et repris par des chanteurs. je pense entre autres à Mouloudji, pour « Le Déserteur » au moment de la guerre d’Algérie. Une des plus connues.

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