Une satyre humoristique sur le monde des intellectuels, des philosophes, des politiciens, ….
Un roman, un thriller, une biographie, un essai ??? En tout cas … Un brin déjanté !!
Mettre un pied dans ce monde fermé des « intellos » … n’est pas toujours très simple … à comprendre … à décoder …
Sans Jacques Bayard le commissaire des Renseignements généraux qui mène l’enquête
et Simon Herzorg son « interprète » (maître de conférence en linguistique) je me serais sans doute perdue !!!
Ce policier apporte une note sarcastique et on se sent moins seul de ne pas tout saisir !! « Bayard n’a pas compris le dialogue mais il a compris l’idée. »
Il y a certains passages qui m’ont néanmoins semblé « indigestes » !!
On découvre qui a tué Roland Barthes et pourquoi ?? Pourquoi Althusser a tué Hélène sa femme ? Qu’est-ce que le Logos Club ? Les « secrets » qui entourent
la campagne électorale « Giscard/Mitterrand » !! Mais est ce bien la vérité ???
« Simon, pensif, demande à Bayard : « C’est quoi, pour toi, le réel ? » Comme Bayard ne comprend évidemment pas où il veut en venir, Simon précise : « Comment tu sais que tu n’es pas dans un roman ? Comment tu sais que tu ne vis pas à l’intérieur d’une fiction ? Comment tu sais que tu es réel ? »
Bayard considère Simon avec une curiosité sincère et lui répond sur un ton d’indulgence : « T’es con ou quoi ? Le réel, c’est ce qu’on vit, c’est tout. »
On comprend aussi que le langage a sans doute plus de pouvoir que l’on ne croit !! Méfiance !!
« Est-ce que la septième fonction est un mode d’emploi ? Un sortilège ? Un manuel de l’usager ? Une chimère hystérisant les petits milieux politiques et intellectuels
qui voient en elle le jackpot suprême pour celui qui mettra la main dessus ?«
Et en prime un petit retour dans les années 80 … le walkman, la bouteille de Banga, la R16, Supertramp, Abba, … Mourrousi, … Borg, McEnroe
ainsi que Lang, Badinter, Attali, Debray, Fabius, Julia Kristeva, Sollers, BHL, Umberto Eco, …, Giscard, Miterrand, …
Je n’ai pas été embarquée mais … intriguée et curieuse … j’ai aimé ce brin de folie et ce dénouement très surprenant !!!!!
Roman A découvrir … en sachant que tout ne s’explique pas toujours … clairement !! Le principal étant de saisir … l’idée !!
p 17 « Le coup de génie de Barthes est de ne pas se contenter des systèmes de communication mais d’élargir son champ d’étude aux systèmes de signification. … Comme
pourrait dire Umberto Eco : pour communiquer, la langue, c’est parfait, on ne peut pas faire mieux. Et cependant, la langue ne dit pas tout. Le corps parle, les objets parlent,
l’Histoire parle, les destins individuels ou collectifs parlent, la vie et la mort nous parlent sans arrêt de mille façons différentes. L’homme est une machine à interpréter et, pour peu
qu’il ait un peu d’imagination, il voit des signes partout ; … »
p 19 « Jusque-là, rien dans le dossier ne justifie qu’on dépêche un enquêteur, et encore moins un commissaire des Renseignements généraux. La présence de Jacques Bayard
ne s’explique en réalité que par un détail : lorsque Roland Barthes s’est fait renverser, le 25 février 1980, il sortait d’un déjeuner avec François Mitterrand, rue des Blancs-Manteaux. »
p27 « Mais ce Collège de France, qu’est-ce que c’est ? Fondé par François 1er, d’accord, il a lu ça à l’entrée. Et ensuite ? Des cours ouverts à tout le monde qui n’intéressent que des chômeurs gauchistes, des retraités,
des illuminés ou des profs qui fument la pipe; des matières improbables dont il n’a jamais entendu parler … Pas de diplômes, pas d’examens. Des gens comme Barthes et Foucault payés pour raconter des trucs fumeux.
Bayard est déjà sûr d’une chose ; ce n’est pas ici qu’on apprend un métier. Épistémè, mon cul. »
p 32 « Bayard tire sur sa gitane, avale une gorgée, tourne les pages. Au bar, il entend le serveur expliquer à un client pourquoi la France va sombrer dans la guerre civile si Mitterrand est élu.
« Première leçon : Quelques éléments de conversation.
1 – Comment t’énonces-tu, toi ?
Français : Quel est votre nom ?
2 – Je m’énonce L.
Français : Je m’appelle William. »
Bayard comprend à peu près l’intention satirique et aussi qu’il devrait a priori se sentir en phase avec les auteurs du pastiche mais il se méfie. Pourquoi, en « R.B. » (en Rolland Barthes), « William »
se dit-il « L. » ? Pas clair. Enculés d’intellos.«
p 145 « Jacobson a, par ailleurs, synthétisé le processus de communication sous la forme d’un schéma qui comporte les pôles suivants : l’émetteur, le récepteur, le message,
le contexte, le canal et le code. C’est à partir de ce schéma qu’il a dégagé les fonctions du langage.
Jacques Bayard n’a pas envie d’en savoir plus mais, pour les besoins de l’enquête, il est nécessaire qu’il comprenne, au moins dans les grandes lignes. »
– la fonction « référentielle » est la première fonction du langage et la plus évidente. On utilise le langage pour parler de quelque chose. …
– la fonction dite « émotive » ou « expressive » vise à manifester la présence et la position de l’émetteur par rapport à son message : … C’est la
fonction du « Je ».
– la fonction « conative » est la fonction du « Tu ». Elle est dirigée vers le récepteur. …
– la fonction « phatique » est la plus amusante, c’est la fonction qui envisage la communication comme une fin en soi. Quand vous dites « allô » au téléphone, vous ne dites
rien d’autre que « je vous écoute », c’est à dire « je suis en situation de communication ». Quand vous discutez des heures au bistro avec vos amis, quand vous parlez du temps
qu’il fait ou du match de foot de la veille, vous ne vous intéressez pas vraiment à l’information en soi, mais vous parlez pour parler, sans autre objectif que d’entretenir la
conversation. Autant dire qu’elle est la source de la majorité de nos prises de parole.
– la fonction « métalinguistique » vise à vérifier que l’émetteur et le récepteur se comprennent, c’est-à-dire utilisent bien le même code. « Tu comprends ? », « Tu vois ce que je
veux dire ? », « Qu’est-ce que ça signifie ? » etc. Tout ce qui concerne la définition d’un mot ou l’explication d’un développement, … Un dictionnaire n’a pas d’autre fonction que métalinguistique.
– enfin la dernière fonction est la fonction « poétique ». Elle envisage le langage dans sa dimension esthétique. Les jeux avec la sonorité des mots, les allitérations, assonances,
répétitions, effets d’écho ou de rythme, relèvent de cette fonction. On la trouve dans les poèmes, évidemment, mais aussi dans les chansons, dans les titres des journaux,
dans les discours oratoires, dans les slogans publicitaires ou politiques… Par exemple, « CRS=SS » utilise la fonction poétique du langage.
p 334 « (…) elle s’intéresse à la performativité en ce qu’elle soupçonne le pouvoir patriarcal d’avoir recours à une forme sournoise de performatif pour naturaliser la
construction culturelle qu’est le modèle de couple monogame hétéro normé : en clair, d’après elle, il suffit que le mâle blanc hétéro déclare que cela est, pour cela soit.
La performativité, ce n’est pas seulement l’adoubement des chevaliers, c’est aussi cette entourloupe rhétorique qui consiste à transformer le résultat d’un rapport de
forces en évidence immémoriale. … Le mythe d’Adam et Eve, en un sens, est le performatif originel : à partir du moment où on décrète que la femme vient après l’homme,
qu’elle est crée à partir d’un bout d’homme et que c’est elle qui fait les bêtises en croquant la pomme, que c’est elle, la salope, et qu’elle a bien mérité d’enfanter dans la
douleur, évidemment, c’est foutu pour elle. Manquerait plus qu’elle refuse de s’occuper des gosses.
p 364 « Bayard profite de son absence pour demander à Judith de lui expliquer la différence entre illocutoire et perlocutoire. Judith lui dit que l’acte de discours illocutoire est lui-même la chose qu’il effectue, alors que l’acte perlocutoire
entraîne certains effets qui ne se confondent pas avec l’acte de discours. « Par exemple, si je vous demande : « Pensez-vous qu’il y a des chambres libres à l’étage ? », la réalité illocutoire objective
contenue dans la question est que je vous drague. En posant cette question, je vous drague. Mais l’enjeu perlocutoire se joue à un autre niveau : est-ce que, sachant que je vous drague, ma proposition vous
intéresse ? L’acte illocutoire sera réussi (« performed with success ») si vous comprenez mon invitation. Mais l’acte perlocutoire ne sera réalisé que si vous me suivez dans une chambre. La nuance est subtile, n’est-ce pas ? D’ailleurs, elle n’est pas
toujours stable. »
p 396 « La sémiologie, ça permet de comprendre, d’analyser, de décoder, c’est défensif, c’est Borg. La rhétorique, c’est fait pour persuader, pour convaincre, pour vaincre, c’est offensif, c’est McEnroe. »
http://www.pileface.com/sollers/spip.php?article1633
Edition : Grasset
Genre : Roman, Polar, …
Publié en 2015
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