Roman en « demi teinte », sentiments et impressions mitigés…
Une histoire d’amour compliquée, vue sous les yeux de Franck (en couple avec Émilie) … de l’émotion, de la sensibilité … puis une relation « masculine » troublante avec le gardien de cette ile étrange qui apporte du mystère et une note de polar.Et enfin cette passion d’Émilie pour Donnell (auteur de multiples polars) , le début d’une thèse sur cette auteur reclus et mort sur cette ile !! suicide ?? accident ??
Une analyse minutieuse de ses œuvres qui ennuie un peu !! Des chapitres consacrés à cette analyse qui « cassent » le rythme et lassent !! Est ce nécessaire de « décortiquer » l’auteur
à partir de ses œuvres ??? Une question qu’Alice Zeniter veut sans doute nous poser et nous amener à réfléchir !!
Pour résumé, agréable roman sans grande extase, belle écriture avec de beaux passages sur l’amour, les relations amoureuses, le couple
mais moments « pénibles » sur cet auteur inventé de toutes pièces !!
Néanmoins on découvre cette sublime expression « La littérature est un Kama Sûtra intellectuel » qui est donc d’Alice Zeniter …..
p : 96 « … Carr se rend pour la première fois chez un analyste. Celui-ci, naturellement, pousse le détective à parler de sa mère
et Carr nie agressivement se souvenir de quoi que ce soit. Donnell écrit alors : « Comment aurait-il pu partager avec ce petit
homme vil la seule vision qu’évoquait en lui le mot mère ? Celle du trou de sa bouche s’ouvrant pour hurler son nom avec
une haine qu’il ne s’expliquait pas ». Tout est là, bien sûr, dans cette phrase qui conclut une scène par ailleurs presque comique.
Tout : la mère comme trou, donc comme machine reproductrice, la mère comme cri et violence, et aussi (surtout !), dans ce « qu’il ne s’expliquait
pas », la reconnaissance qu’il y aurait dû y avoir de l’amour, que, malgré tout le dédain dont Donnell a fait preuve envers sa mère, la haine
n’apparait pas comme un sentiment normal : elle est une surprise et une aberration, elle est douleur. »
p 99 « En juin 1944, Galwin et Robert Donnell prennent part au débarquement sur les côtes françaises. Dans la terrible confusion de l’attaque, Robert meurt
avant même d’avoir pu atteindre la plage. Galwin Donnell ne mentionnera jamais cette perte tragique. Il ne parlera même jamais de la guerre dans ses livres : pas un seul soldat, pas un vétéran, rien, le néant. L’analyse la plus juste que l’on puisse faire de ce silence, je crois, c’est celle que nous offre une fois de plus le délicat Evans : « Galwin n’a jamais écrit sur ça parce qu’il pensait qu’il n’avait pas le droit.
Il pensait qu’en ayant survécu à la guerre, il n’avait pas réellement vécu la guerre. Vivre la guerre, ça voulait dire y mourir. Comme le pauvre Rob. » »
p 111 « _ »C’est un monde terrible que le nôtre. Et lorsqu’un homme intelligent se tourne vers le crime, ce monde devient le pire de tous » »
Kama Sûtra p 135 « Le jour de son entrée en hypokhâgne, Émilie avait eu une sorte d’épiphanie. Ou plutôt, on lui en avait administré une, pour peu que l’expression eût un sens. Ce qui s’était produit, ce jour-là, c’était qu’Émilie s’était assise dans une salle de classe qu’on eût dite tirée d’un film sur la jeunesse étudiante des années 70, avec un tableau vert recouvert d’une fine couche de poussière de craie et des chaises bicolores dans lesquelles les cheveux se coinçaient,
assise sans espérance particulière sinon une soif d’apprendre qui se situait dans la moyenne. Lorsque leur professeur de français était entrée dans la salle, … Et puis la prêtresse avait commencé à parler. Elle avait ouvert cette séance initiale, et
l’année entière qu’elle passerait avec ces étudiants encore inconnus, en leur déclarant :
– La littérature est un Kama Sûtra intellectuel.
– La littérature est une forme de plaisir poussée à son raffinement le plus extrême par des écrivains que le rapport habituel au language ne satisfait plus.
Lorsqu’elle avait décidé de consacrer sa thèse à l’étude des personnages féminins dans l’œuvre de Donnell, elle était consciente qu’elle cherchait encore l’endroit où la frontière entre littérature et Kama Sûtra était la plus mince. Que
la littérature n’était devenue passionnante depuis cette épiphanie qu’en tant qu’on pouvait espérer qu’elle procure (un peu) de plaisir du Kama Sûtra. »
p 228 « Ce qui la troublait, c’était le désir qu’il avait d’elle. Elle avait insisté pendant des années sur la nécessité du respect, de la bonne intelligence et de l’admiration mutuelle dans une relation.
Elle avait si bien fait que jamais on ne l’avait désirée ouvertement. On avait vanté son esprit, son humour, sa manière personnelle de construire des théories absurdes et mordantes, on avait parlé de la profondeur de ses yeux.
Et Martin … aurait pu, lui aussi, entrer dans ce jeu-là et masquer son attirance par une succession de procédés sociaux bien connus. Mais il ne le faisait pas. Et Émilie voyait dans ce désir une forme tellement brutale de sincérité
qu’elle pliait devant lui, devant ce qu’elle avait pourtant considéré ne pas vouloir. Elle avait l’impression que ce désir lui révélait d’elle des zones inconnues, la force de son corps, la volonté propre du ventre, l’étonnante surface couverte par
sa peau….. »
Editeur : Flammarion
Genre : Roman
Publié en 2015
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